Les troubles du comportement alimentaire

Conseils d’Aurélie Houot, psychologue :

« Comprendre ses émotions permet de mieux les gérer »

Interview de Aurélie Houot par Léa OUZAN

Aurélie Houot est psychologue, spécialisée des troubles anxieux et des troubles du comportement alimentaire. Grâce à un travail thérapeutique, elle aide les patients souffrants d’obésité, à gérer leur stress et leurs émotions afin de sortir de l’addiction à la nourriture. Entretien.

Entretien

Nash06 : La prise excessive de poids et l’obésité sont souvent liées à nos émotions. Comment nos émotions agissent-elles sur notre poids ?

Aurélie Houot : Ces émotions n’agissent pas directement sur notre poids. Ce n’est pas parce qu’on est angoissé qu’on va prendre directement 10 kilos. Par contre, elles influent sur notre comportement alimentaire qui lui va entraîner une prise de poids excessive. Cela va dérégler tous nos mécanismes de régulation. Les signaux de faim et de satiété ne sont plus repérés par la personne. C’est la modification du comportement liée aux émotions qui entraînent la prise de poids.

Nash06 : Le stress nous fait également parfois grossir et nous donne l’envie irrépressible de manger. Par quels mécanismes ?

Aurélie Houot : Le stress est lié à nos émotions. Il va modifier notre comportement alimentaire par des actions hormonales. Au niveau des mécanismes, ce stress va entraîner une augmentation de la production de cortisol, qui est l’hormone principal du stress. Le cortisol influence la sécrétion des hormones qui régulent notre appétit et a tendance à nous donner de l’attrait pour des aliments gras et sucrés. L’action de manger soulagerait alors notre stress. La prise alimentaire devient un anxiolytique. 

Nash06 : L’obésité résulte souvent d’un mal être qui remontent à des causes lointaines comme l’enfance.

Aurélie Houot : Dans certains cas, ce mal-être peut venir de l’enfance mais ce n’est pas toujours le cas. L’amour de soi et l’estime de soi résultent de l’affection reçue pendant l’enfance, et font écho aux émotions. Si les besoins affectifs de l’enfant n’ont pas été comblés, ce dernier ne va pas apprendre à gérer ses émotions. Une fois adulte, il va devoir trouver un autre moyen pour les combler par des addictions à l’alcool, à la nourriture, etc. Il y a des mécanismes similaires dans toutes ces addictions.

Nash06 : Est-ce important selon vous de faire un travail sur soi pour combattre la maladie ? Dans quel cas, est-il important de se faire accompagner par un psychologue ?

Aurélie Houot : Cet accompagnement est important pour les personnes qui souffrent de problème de poids depuis plusieurs années. Cela signifie que ce n’est pas seulement un mauvais comportement alimentaire, c’est une douleur plus profonde.  Après, il faut savoir que le temps de la médecine n’est pas le temps de la psychologie. Certaines personnes ne sont pas prêtes à faire ce suivi. Il faut vraiment que ces patients aient l’envie de se faire aider sinon cela ne fonctionnera pas.

Nash06 : Que peut-on nous mettre en place en thérapie pour lutter contre la prise de poids excessive ? 

Aurélie Houot : La première chose que je fais est de la psychoéducation afin de leur expliquer tous les mécanismes de cette addiction. Lorsque les patients comprennent ces mécanismes, ils vont pouvoir les reconnaître et mettre en place des outils pour mieux les gérer. Ensuite, il y a un gros travail lié à l’acceptation des émotions.

 

Dans un second temps, il est important de reconnecter ces personnes à l’instant présent. C’est tout un travail de pleine conscience. Quand on est stressé ou en proie à ses émotions. On est souvent dans le passé ou dans le futur, on rumine et on est rarement dans l’instant présent. On va donc travailler sur l’état de conscience dans la prise alimentaire. Pour finir, on peut mettre en place des outils de relaxation.

Nash06 : Est-ce qu’on essaye d’apprendre de nouveaux comportements alimentaires ?

Aurélie Houot : On essaye d’apprendre de nouveaux comportements et non de déconstruire des comportements existants. On ne va pas mettre d’objectif d’arrêter quelque chose, on va créer autre chose… Les mauvais comportements alimentaires vont s’estomper progressivement et les nouveaux comportements plus sains vont prendre le dessus.

Nash06 : Avez-vous remarqué une amélioration significative sur vos patients ? 

Aurélie Houot : Il y a une amélioration mais cela dépend de chaque patient. Certains vont perdre du poids, d’autres vont mettre plus de temps. La thérapie en elle-même ne suffit pas. C’est vraiment une approche pluridisciplinaire.

L’entourage familial est également très important. Sur le chemin de la guérison, je remarque souvent un mieux-être, un apaisement. Et il y a une reconnexion avec le corps, qui va redevenir un allié. On va alors avoir envie d’en prendre un peu plus soin, que ce soit par une activité physique ou autre.

Nash06 : S’agit-il de thérapies longues ?

Aurélie Houot : Tout dépend de la profondeur de la souffrance psychologique. Pour une personne qui a pris de mauvaises habitudes, cela peut être rapide. Mais en effet, s’il y a eu des traumatismes liés à l’enfance ou à l’histoire familiale, la thérapie peut durer des années.

Nash06 : Donnez-vous également des conseils diététiques ?

Aurélie Houot : Je donne essentiellement des conseils liés aux comportements alimentaires : l’organisation des repas, la manière de manger en pleine conscience, comment faire des moments de repas avec plaisir. Toutefois, sur le contenu de l’assiette à proprement parlé, je ne donne pas de préconisation car j’estime que c’est davantage le rôle du nutritionniste. Encore une fois, il s’agit d’une dimension pluridisciplinaire. Une hygiène de vie dans sa globalité dont la psychologie peut faire partie si le patient en ressent le besoin…

Léa Ouzan