Face à la maladie

TEMOIGNAGE

"On se sent très seule face à la maladie..."

Interview de Laurence D par Léa OUZAN

Laurence D a contracté l’hépatite C dans les années 90 suite à une transfusion sanguine.

Désormais guérie de cette maladie, elle revient sur son parcours semé d’embûches jusqu’à sa renaissance.

Entretien

Nash06 : Pouvez-vous me parler de votre parcours et comment a été décelée votre maladie ?

Laurence D : Depuis mon adolescence, je souffrais d’endométriose, une maladie qui était peu connue à l’époque. Après avoir été opérée plusieurs fois, j’ai contracté l’hépatite C suite à une transfusion sanguine dans les années 90. J’ai appris que j’étais porteuse de ce virus quelques années plus tard. Malheureusement, il n’existait pas encore de traitement à ce moment-là.

Nash06 : Comme vous me l’avez expliqué, vous avez beaucoup souffert du regard des autres et de l’incompréhension…

Laurence D : J’étais très en colère. Un sentiment d’injustice s’est vite emparé de moi. J’avais l’impression qu’on ne se souciait pas assez de l’impact psychologique d’une telle maladie. J’ai aussi regretté de ne pas avoir plus de soutien du corps médical à l’époque. J’aurais aimé être aidée et écoutée pour envisager l’avenir et l’évolution de ma carrière. On se sent très seule face à la maladie…

Nash06 : Quel a été le plus difficile à vivre pour vous pendant toutes ces années ?

Laurence D  : Comme je me sentais incomprise et dans un profond désarroi, je me suis réfugiée dans le travail et dans l’alcool pour palier à toutes ces souffrances. Ça fait des dommages et ça fiche en l’air beaucoup de choses. Après toutes ces années d’errance, j’attendais que les souffrances s’arrêtent. Pendant très longtemps, j’ai vécu avec une épée de damoclès au-dessus de la tête.

Nash06 : Avez-vous rencontré des difficultés dans votre vie professionnelle ?

Laurence D  : Cela a été très réducteur dans ma vie professionnelle car j’avais deux problèmes de santé : l’endométriose et l’hépatite C. Dans des catégories socio-professionnelles bien précises, on ne peut pas le cacher très longtemps. Pour ma part, je m’occupais d’enfants souffrants de handicap, donc j’étais obligée de raconter mon histoire. Lorsque j’en ai enfin parlé, j’ai senti que mes relations avec les autres avaient changées.

Nash06 : Comment la maladie a été perçue par votre entourage ?

Laurence D  : Dans mon entourage, cela a été tout le contraire. Ma famille n’a pas émis de jugements mais ma situation les a fait souffrir aussi. Ils ont été très tristes pour moi. La maladie met aussi en position de faiblesse les personnes qui sont autour de nous. Elles se sentent impuissantes…

Nash06 : Pensez-vous qu’il y a un réel manque d’information sur les maladies du foie ?

Laurence D  : Il y a un réel manque d’information autour de la transmission du virus de l’hépatite C. Dans l’esprit des gens, c’est forcément lié à une sexualité débridée ou à des personnes qui se droguent. Mais on peut aussi contracter le virus à cause d’une transfusion sanguine comme ce fut mon cas.

Nash06 : Comment ont évolué la transmission de l’information aujourd’hui, selon vous ?

Laurence D  : Il faudrait mettre en place des groupes de paroles et des aides extérieures. Toutefois, on peut rencontrer des professionnels qui sont très investis dans la lutte contre les maladies du foie. Le médecin qui m’a suivi a eu un fort impact dans mon processus de guérison. L’information est capitale et grâce à ces professionnels, les choses avancent… Enfin !  

Nash06 : Vous êtes désormais guérie de l’hépatite C. Comment avez-vous vécu cette annonce ?

Laurence D  : J’ai été guérie après 27 ans de combat contre la maladie. On a pu débuter un traitement il y a seulement quelques années. Au début, je n’ai pas réalisé. J’étais partagée entre plusieurs émotions. Durant quelques jours, j’étais dans une bulle très agréable où tous les champs des possibles étaient ouverts à nouveau. Je me suis dit : « Je suis enfin guérie, c’est incroyable ! ».

Nash06 : Vous avez aussi subi une perte de poids importante. Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Laurence D  : Je me sens très bien. J’ai perdu beaucoup de poids car à un moment donné, je pesais plus de 100 kilos. J’ai aussi été suivie par un psychiatre pendant plusieurs années. Aujourd’hui, je suis sobre et j’ai un mode de vie sain. C’est fantastique !

Nash06 : Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Laurence D  : J’ai enfin trouvé le soutien dont j’avais besoin grâce à mon médecin. Certains professionnels sont là pour nous aider et ne nous lâchent pas. Je veux transmettre ce message : on peut s’en sortir malgré les difficultés…

Léa Ouzan